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Promesse de vente et droit de rétractation : attention à la notification

Le 26 août 2019
En cas de promesse de vente d'un bien à usage d'habitation au profit de deux époux, la notification prévue par l'article L 271-1 du CCH doit être faite aux deux époux, sans que l'un des époux puisse valablement prendre la lettre adressée à l'autre

Cour Cassation 3ème chambre civile - 21 mars 2019 n° 10.772

 

Le droit de rétractation de l’article L 271-1 du Code de la Construction 

Pour la protection des acquéreurs particuliers d’un bien à usage d’habitation, l’article L 271-1 du Code de la Construction a institué un droit de rétraction de 10 jours pendant lequel le bénéficiaire d’une promesse de vente peut renoncer à son projet, sans avoir à motiver sa décision et sans s’exposer à indemnisation du promettant

Cet article est ainsi rédigé :

"Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.

Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

Lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse.

Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n'est pas précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, l'acquéreur non professionnel dispose d'un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l'acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.

Les actes mentionnés au présent article indiquent, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d'exercice du droit de rétractation ou de réflexion.

Tout manquement à l'obligation d'information mentionnée à l'avant-dernier alinéa est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation"

 Comme à chaque fois qu’un délai est institué, son point de départ revêt une importance capitale, seul le démarrage effectif du délai étant en l’espèce susceptible de donner force à la promesse et de protéger le vendeur-promettant de la rétractation du bénéficiaire de la promesse.

C’est ce que vient de rappeler l’arrêt rendu par la Cassation.

Quel point de départ pour le délai de rétractation de l’article L 271-1 du Code de la Construction ?

 Selon l’article susvisé, le délai de rétractation commence à courir le lendemain de la première présentation de la lettre recommandée adressée au bénéficiaire par le promettant ou le rédacteur de la promesse ou du jour de sa remise en mains propres.

Il ne fallait en effet pas, dans l’esprit du législateur, que le bénéficiaire d’une promesse puisse s’octroyer un délai illimité pour l’exercice de son droit de rétractation en omettant d’aller chercher la lettre recommandée ou que soit imposé au promettant de recourir à une notification par huissier.

Reste que lorsque la lettre recommandée a été reçue, celle-ci doit l’avoir été par son destinataire ou par un mandataire bénéficiant d’un pouvoir exprès

Dans l’affaire tranchée par la Cour de Cassation, la promesse consentie à deux époux avait été notifiée par l’agent immobilier, par deux lettres recommandées AR distinctes, aux deux époux mais le mari avait signé les deux accusés de réception, sans préciser son prénom et son nom sur l’accusé de réception de la lettre adressée à son épouse.

Estimant que le délai de rétractation des époux avait été purgé, les vendeurs avaient laissé du temps aux acquéreurs avant que l’épouse exerce son droit de rétractation, de façon tardive, selon les vendeurs.

Convoqués devant le notaire des vendeurs pour procéder à la signature de la vente, les époux ont donc opposé la rétractation de l’épouse, ainsi que cela a été acté par un procès-verbal de difficultés du notaire 

Contestant la validité de cette rétractation, les promettants ont alors engagé une procédure à l’encontre des bénéficiaires afin d’obtenir leur condamnation au paiement de dommages et intérêts, ainsi que l’exécution de la clause pénale prévue à la promesse.

Les promettants ont fait valoir que le mari bénéficiait nécessairement d’un pouvoir apparent de l’épouse dès lors qu’il avait signé pour elle et que la Poste avait accepté de lui remettre le courrier contre sa signature, malgré l’absence d’indication de son prénom et de son nom en marge de sa signature.

Déboutés par la Cour d’Appel, les promettants ont vu leur recours devant la Cour de Cassation rejeté dans les termes suivants

« Mais attendu que la notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, prévue par l’article L 271-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, n’est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pourvoir à cet effet ; qu’avant retenu que l’avis de réception de la lettre de notification adressée à Mme D  étant revêtu de la signature de M.D, sans précision du nom et du prénom de signataire, celui-ci n’avait pas signé en qualité de mandataire de son épouse et qu’il n’était pas certain qu’il la promesse avait été notifiée à Mme D, la Cour d’Appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à la recherche sur l’existence d’un mandat apparent que ses constatations rendaient inopérantes, que le délai de rétractation n’avait pas couru à l’égard de Mme D, avant l’exerce, par celle-ci de ce droit et a légalement justifié sa décision annulant le contrat »

Ainsi la Cour a-t-elle réaffirmé que la notification doit être personnelle à chaque époux et que la réception de la lettre par l’un des époux ne peut être opposée à l’autre, sauf mandat exprès de ce dernier.

La non vérification de la signature des accusés de réception peut engager la responsabilité de l'agent immobilier 

Infirmant sur ce point l’arrêt de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation a estimé que l’agent immobilier qui n’avait pas vérifié les signatures au retour des accusés de réception avait engagé sa responsabilité et était donc susceptible d’être condamné à indemniser les vendeurs de l’immobilisation de leur bien.

Ainsi, la Cour de Cassation a-t-elle reproché à la Cour d'Appel d'avoir écarté la faute de l'agent immobilier "alors que l'intermédiaire professionnel mandaté par un vendeur pour rédiger une promesse de vente et procéder à sa notification telle qu'exigée à l'article L. 271-1 code de la construction et de l'habitation est tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il a rédigé et partant, de la notification à laquelle il a procédé ; qu'en énonçant, pour débouter les époux G... de leur demande à l'encontre de la société En Appart ; Et, après avoir constaté que cette dernière avait rédigé la promesse litigieuse et l'avait notifiée à chacun des époux acquéreurs, dans les formes prévues par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, que sa mission n'incluait pas la vérification des signatures apposées sur les avis de réception, lesquelles conditionnent pourtant la régularité de la notification de la promesse, et avec elle, la régularité de la promesse elle-même, la cour d'appel a violé les articles 1147 (dans sa version applicable au litige), 1991 et 1992 du code civil, ensemble l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation

Delphine BERTHELOT-EIFFEL 

Avocat Paris Ile de France 

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