LOGEMENT INDÉCENT : QUELLES CONSÉQUENCES QUELLES SOLUTIONS
Logement indécent, mal logement. Les bailleurs ont le sentiment qu’on leur en demande toujours davantage pour des loyers jugés insuffisants, les agents immobiliers craignent de voir leur responsabilité engagée, les locataires estiment ne pas avoir d’autres possibilité que d’accepter des logements dégradés. Essayons d’y voir clair
Définition du logement décent
Pour l’instant l’obligation pour le propriétaire de louer un logement décent au sens du décret du 2002-120 du 30 janvier 2002, modifié en dernier lieu le 18 aout 2023, concerne la location nue ou meublée à titre de résidence principale (occupé au moins 8 mois par an) ou à usage mixte (professionnel ou habitation), même s’il est très probable que ces critères vont être étendus à l’ensemble des logements, afin d’éviter que les bailleurs se reportent sur les locations de type AirBnb.
Elle s’applique également aux logements loués dans le cadre d’un bail commercial et affectés à la résidence principale du commerçant
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 oblige ainsi le bailleur à « remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimal et doté des équipements le rendant conforme à l’usage d’habitation »
Avant le 1er janvier 2023
Pour être décent, le logement devait :
-assurer le clos et le couvert, et la protection des occupants contre les infiltrations et les remontées d’eau
-protéger les locataires des infiltrations d’air parasite, par des portes, fenêtres et murs présentant une étanchéité suffisante, des cheminées munies de trappes
-assurer la sécurité physique et la santé des locataires par (i) des dispositifs de retenue des personnes tels que des gardes corps, escaliers, loggias et balcons conformes, (ii) des matériaux de construction, canalisations et revêtements correctement entretenus et ne présentant pas de risque pour la santé des personnes, (iii) des réseaux et branchements électriques et de gaz conformes aux normes de sécurité
-assurer une ventilation suffisante du logement permettant un renouvellement de l’air et l’évacuation de l’humidité
-avoir des pièces principales (destinées au séjour ou au sommeil) ayant un éclairement naturel suffisant et au moins un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre, ce qui permet de retenir l’indécence des caves ou sous-sols loués à titre de logements
-disposer d’au moins une pièce principale, ayant, soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond d’au moins 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes
Remarque : en cas de colocation avec un bail unique le logement doit avoir au moins 16 mètres carrés pour deux locataires et 9 mètres carrés supplémentaires minimum par colocataire en plus ; en cas de colocation avec des baux multiples, chaque colocataire doit disposer d’une chambre d’une surface au moins égale à 9 mètres carrés et d’un volume d’au moins 20m3 (pièces communes non comprises)
-disposer des équipements permettant le chauffage normal de l’habitation, l’alimentation du logement en eau potable, l’évacuation des eaux usées, une cuisine ou un coin cuisine permettant de recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé, une installation sanitaire intérieure au logement avec un wc séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, une baignoire ou une douche alimentée par de l’eau chaude et froide et raccordée à l’évacuation des eaux usées,
Remarque : les logements d’une seule pièce peuvent toutefois ne disposer que d’un wc extérieur, sous réserve qu’il soit facilement accessible et situé dans le même bâtiment
-disposer d’un réseau électrique permettant un éclairage suffisant et le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne
-ne pas être infesté par des animaux nuisibles ou par des parasites
La performance énergétique nouvellement ajoutée aux critères de décence du logement
Si les critères ci dessous restent en vigueur, la performance énergétique est venue s'y ajouter depuis le 1er janvier 2023
En France métropolitaine et depuis le 1er janvier 2023, le logement doit, pour pouvoir être loué dans le cadre d’un nouveau bail, d’un renouvellement ou d’une reconduction tacite, avoir une consommation électrique estimée par le diagnostic de performance énergétique inférieure à 450 kilowatt/heure d’énergie finale par mètre carré habitable et par an
A partir du 1er janvier 2025, les logements devront à minima être classés F, puis E à compter du 1er janvier 2028, et D à compter du 1er janvier 2034
A noter : selon une réponse ministérielle du 28 mars 2023, les locataires dont les baux viennent en tacite reconduction pourront exiger du bailleur qui leur fournisse un DPE valide afin de justifier du critère de décence
NOUVEAUTE : À compter du 1er octobre 2023, si un immeuble ou un logement présente un danger pour la santé ou la sécurité de ses occupants, le Préfet pourra engager une procédure d’insalubrité, comparable à ce qu’est la procédure de péril en cas d’immeuble menaçant ruine et en conséquence, sur un rapport du directeur général de l’ARS ou du directeur du service communal d’hygiène et de santé constant l’insalubrité, et, éventuellement, d’un expert désigné par le Tribunal administratif, rendre un arrêté de traitement de l’insalubrité.
Cet arrêté pourra ordonner la réalisation de travaux par le propriétaire, éventuellement la démolition totale ou partielle du logement, l’interdiction d’habiter ou d’utiliser les lieux ou d’y accéder, à titre temporaire ou définitif, le bailleur devant alors assurer le relogement des locataires
Il pourra en être ainsi en cas de présence de plomb dégradé, d’amiante dégradé ou pour les logements en cave, en sous-sol ou sous combles, ou encore pour les logements dénués d’ouverture sur l’extérieur.
Que faire en cas d’indécence ?
Aux termes de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire qui estime que son logement ne répond pas à l’un des critères de la décence peut, tout au long du bail ou de ses renouvellements, solliciter sa mise en conformité par lettre recommandée avec accusé de réception
En cas de contestation du bailleur ou s’il ne répond pas dans les deux mois, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation puis, en absence d’accord amiable, saisir le Tribunal, la saisine de la commission n’étant toutefois pas un préalable nécessaire à la recevabilité de la procédure judiciaire.
Remarque : La CAF peut, sur demande du locataire, envoyer un professionnel habilité pour constater le non-respect des normes de décence et établir un diagnostic
En cas de non-conformité, l’aide au logement est conservée par la CAF pour une durée maximale de 8 mois dans l’attente de réalisation des travaux, le locataire restant tenu de payer le loyer résiduel mais le bailleur ne pouvant prétendre au versement direct de l’APL conservé par la CAF que sur justification de réalisation des travaux dans le délai de 18 mois susvisé et ne pouvant ni exiger du locataire le paiement de l’impayé correspondant à l’aide au logement non perçue, ni demander la résiliation du bail pour ce motif
Quelles conséquences pour le bailleur ?
Après une expertise (le plus souvent) le Tribunal pourra condamner le bailleur à réaliser les travaux indispensables sous astreinte et éventuellement accorder au locataire une diminution, voire une suspension du loyer jusqu’à la réalisation des travaux et des dommages et intérêts pour trouble de jouissance.
Toutefois, le juge ne peut ordonner de mesure visant à permettre le respect du seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an mentionné au premier alinéa de l’article 6 du décret du 30 janvier 2002 modifié, lorsque le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et que le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptées aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal
Il en est de même pour :
-les travaux faisant courir un risque de pathologie du bâti affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiment, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l’art
-les travaux entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction qui ont fait, pour ce motif, d’un refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires de certaines dispositions du code du patrimoine, de l’environnement ou de l’urbanisme, le bailleur devant produire aux débats les pièces justifiant de l’impossibilité de réaliser les travaux visant à atteindre le niveau requis de performance énergétique,
Remarques : Le juge peut surseoir à statuer dans l’attente de l’intervention de la décision de l’autorité administrative compétente pour autoriser la réalisation des travaux et au surplus ordonner la réalisation des travaux compatibles avec ces contraintes quand bien même ils ne suffiraient pas, par eux-mêmes, à parvenir au seuil requis
ATTENTION : l’impossibilité pour les juges de condamner à la réalisation des travaux qui auraient été nécessaires pour les motifs susvisés ne les privera pas de la possibilité d’accorder au locataire une baisse du loyer et ou des dommages et intérêts.
Au surplus, en cas de condamnation, le juge transmet sa décision constatant que le logement ne répond pas aux dispositions de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 au préfet, représentant de l’Etat dans le Département, lequel pourra alors, éventuellement, du moins pouvons nous le penser, étudier la possibilité d’engager une procédure d’insalubrité
Enfin, il doit être souligné qu’en cas d’accident, la responsabilité pénale du bailleur peut être mise en jeu pour mise en danger d’autrui.
Remarque : l’interdiction de louer les passoires énergétiques dont on parle tous les jours dans la presse correspond à un abus de langage. Les baux portant sur les logements ne respectant pas les seuils maximums de consommation ne sont en effet pas nuls, en particulier les baux en tacite reconduction. Les loyers doivent être payés mais le bailleur s’expose à un recours de son locataire, d’autant plus probable que la jurisprudence écartera comme non écrite ou abusive, toutes les clauses par lesquelles le locataire se déclarerait informé de la non-conformité du logement et renoncer à tout recours en vue de la réalisation des travaux nécessaires, dommages intérêts ou suspension des loyers. En ce sens, on peut effectivement affirmer que les passoires énergétiques sortent progressivement du marché locatif, aucun bailleur ne pouvant envisager, dans la pratique, de s'exposer à une réduction du loyer et à une condamnation judiciaire à réaliser les travaux et aucune agence immobilière ne pouvant accepter à la mise en jeu de leur responsabilité professionnelle
POUR MEMOIRE :
Depuis le 18 aout 2022, il n’est plus possible de solliciter un complément de loyer (dans les villes soumis à encadrement) à la location des locaux classés F ou G
Depuis le 24 aout 2022, les loyers des logements F ou G dont le bail se reconduit, se renouvelle ou est signé ne peuvent plus être indexés. En outre, en cas de changement de locataire, le loyer demandé au nouveau locataire ne peut plus, même en dehors des zones tendues, être fixé à un montant supérieur au loyer précédent, en absence de travaux permettant de sortir du classement G ou F
Face à la pression ainsi mise sur les bailleurs, de multiples aides existent, mais elles sont complexes et insuffisantes, ce qui c