La résiliation d’un bail à l’initiative du syndicat des copropriétaires ou d’un copropriétaire
Cour Cass numéro 98-13.345 du 22 mars 2000
Les baux portant sur des locaux dépendant d’une copropriété obligent le plus souvent les locataires à respecter les dispositions du règlement de copropriété, dont le preneur déclare à l’acte avoir reçu une copie ou avoir pris connaissance.
Le copropriétaire bailleur a ainsi la possibilité de solliciter la résiliation d’un bail, lorsque son locataire viole une disposition du règlement de copropriété (occupation des parties communes, réalisation de travaux sans autorisation préalable du syndicat des copropriétaires, non respect de la tranquillité des occupants de l’immeuble par nuisances olfactives ou bruits excessifs, pose d’une enseigne sans autorisation ou ne respectant pas les emplacements ou caractéristiques prévus au règlement de copropriété etc).
Les règlements de copropriété obligent par ailleurs le plus généralement les copropriétaires à en respecter les dispositions et à les faire respecter par leurs locataires. Il n’est donc pas rare qu’un copropriétaire bailleur soit mis en demeure par le syndic ou par un autre copropriétaire d’intervenir auprès de son locataire afin de faire cesser les violations constatées. Toutefois, le bailleur n’y parvient pas toujours et peut estimer ne pas avoir intérêt à engager une procédure à l’encontre de son locataire en cas de refus de celui-ci. Le bailleur peut en particulier ne pas souhaiter aller jusqu’à poursuivre la résolution ou la résiliation du bail, notamment s’il estime que les locaux ne seront pas aisés à relouer ou que, du fait de la rédaction du bail, il pourrait ne pas y parvenir.
La question s’est donc posée de savoir si le Syndicat des Copropriétaires ou un un copropriétaire pourrait prendre l’initiative de demander la résiliation d’un bail commercial consenti par un copropriétaire.
Un Syndicat des Copropriétaire peut demander la résiliation d'un bail commercial conclu par un copropriétaire-bailleur et un tiers locataire, en cas d'inaction du bailleur
Par un arrêt du 14 novembre 1985 numéro 84-15.577, la Cour de Cassation a donné raison à la Cour d’appel de Paris d’avoir jugé qu’un syndicat des copropriétaires était recevable à agir en résiliation d’un bail commercial passé entre un copropriétaire bailleur et un tiers locataire et d’avoir prononcé la résiliation du bail après avoir retenu :
- que la société locataire avait contrevenu aux obligations du bail par lequel le locataire s’était interdit « tous bruits, odeurs ou nuisances susceptibles de gêner les voisins sous peine de résiliation immédiate du bail »
- que les agissements du locataire causaient un préjudices aux copropriétaires
- que ces agissements étaient contraires au règlement de copropriété et
- que ce règlement déclarait que chaque copropriétaires était responsable des agissements répréhensibles de ses locataires.
La Cour de Cassation a posé que l’article 1166 du code civil ancien, aujourd’hui remplacé par l’article 1341-1 du code civil, selon lequel les créanciers peuvent exercer les droits et actions de leurs débiteurs, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne, autorise le syndicat des copropriétaires, lorsqu’il y a un intérêt propre, à exercer les droits et actions d’un copropriétaire bailleur contre son locataire.
Cette jurisprudence a été réaffirmée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 novembre 2015 n°14-18.752 dans une affaire où le locataire exerçait une activité de restauration rapide avec réchauffage des produits et ventes à emporter, non autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires et constituant une violation des clauses du bail et du règlement de copropriété, entraînant des nuisances sonores, olfactives et des allers et retours dans les parties communes.
L’action oblique reconnue au copropriétaire
Par son arrêt numéro 98-13.345 du 22 mars 2000, la Cour de Cassation a jugé qu’un règlement de copropriété étant un contrat, chaque copropriétaire est en droit d’en exiger le respect par les autres copropriétaires.
Logiquement, la Cour de Cassation en a donc conclu, dans son arrêt numéro 20-18327 du 8 avril 2021, qu’un copropriétaire, peut, au même titre que le syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaires-bailleur pour obtenir la résiliation du bail lorsque le locataire viole les stipulations du règlement de copropriété et ce, du seul fait de la carence du bailleur à en exiger le respect de son locataire.
En l'espèce, l'activité exercée dans les locaux était l'achat et la vente de cyclomoteurs, la réparation de scooters et la location de véhicules, entrainant des nuisances sonores et olfactives.
Le copropriétaire demandeur avait donc assigné le Syndicat des Copropriétaire et le locataire afin d'obtenir notamment la résiliation du bail et l'expulsion du locataire.
La violation du règlement de copropriété était caractérisée par les nuisances provoquées par l'activité autorisée au bail alors que le règlement de copropriété obligeait les copropriétaires et leurs ayant droits à respecter la tranquillité des copropriétaires.
Par ailleurs si le Syndicat des copropriétaire avaient autorisé le locataire à faire des travaux, la Cour de Cassation a jugé que le bailleur ne justifiait d'aucune action positive visant à contraindre le locataire à faire cesser les nuisances.
La défaillance du propriétaire-bailleur à agir contre son locataire afin d'obtenir qu'il mette fin à la violation du règlement de copropriété a donc été reconnue et l'action du copropriétaire jugée recevable, au contraire de ce qui avait été le cas dans une précédente affaire où, au contraire, l'action oblique du copropriétaire avait été jugée irrecevable en raison des diligences du bailleur (3ème civ 12 juillet 2018 n°17-20680)
Au regard des dispositions de l'arrêt, il est probable que la décision serait la même en cas de violation du règlement de copropriété par le locataire d'un bail d'habitation.
Delphine Berthelot Eiffel Avocat