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Bail et procédure collective : Pas de transaction valable sans autorisation préalable du juge-commissaire

Le 28 mars 2021
toute transaction avec une partie en redressement judiciaire suppose l'autorisation préalable du juge-commissaire. A défaut, l'accord n'a aucune valeur et toute personne intéressée peut en demander la nullité. Y compris l'une des partie à l'accord

Cass 20 janvier 2021 n°19-20.076

 

L’impossibilité de toute transaction sans autorisation préalable du juge-commissaire 

L’article L 622-7 I du Code de Commerce dispose  :

"Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L622-17. (...)"

L’article L622-7 II dispose :

"Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ou à compromettre ou transiger. Néanmoins, si cet acte est susceptible d’avoir une incidence déterminante sur l’issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu’après avoir recueilli l’avis du ministère public"

Et au III

 "Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusions de l’acte ou du paiement de la créance. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci »

Tout accord passé avant que le débiteur en redressement judiciaire et les organes de la procédure aient été autorisés à transiger par le juge commissaire est nul, fut-il passé sous condition suspensive de cette autorisation

Dans le cas d’espèce, un accord avait été passé entre un bailleur et le preneur d'un bail commercial sur la résiliation du bail et l’apurement des comptes entre les parties, cet accord ayant été constitué par un échange de courriels en date du  29 septembre 2017, comprenant une offre du bailleur et son acceptation par le preneur, en redressement judiciaire.

A la suite de cet échange, valant, selon le preneur, accord des parties, l’administrateur, le mandataire judiciaire et le débiteur avaient demandé au juge-commissaire d’autoriser la transaction formée par cet échange de mails, nonobstant la rétractation du bailleur.

Le juge-commissaire, faisant fait droit aux organes de la procédure, avait autorisé la transaction par une ordonnance du 8 novembre 2017, contre laquelle le bailleur a formé recours.

Le Tribunal de Commerce ayant maintenu l’ordonnance du juge-commissaire, le bailleur a interjeté appel du jugement du Tribunal de Commerce afin d’obtenir que la Cour d’Appel rejette la requête des organes de la procédure.

Le bailleur estimait en effet que l’acceptation du preneur, antérieure à l’autorisation du juge-commissaire, ne pouvait pas avoir valablement formé un accord et qu’il était dès lors en droit de retirer l’offre qu’il avait faite le 29 septembre 2017 et plus généralement de soulever la nullité de l’accord prétendument formé, peu important que son conseil ait été initialement à l’origine de cet accord.

Au contraire, pour le mandataire liquidateur (désigné à la suite de la conversion du redressement judiciaire du preneur en liquidation judiciaire), un contrat étant formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, le bailleur ne pouvait rétracter sa proposition dès lors qu’elle avait été acceptée par le preneur et l’administrateur judiciaire,  peu important que la transaction n’ait pas encore été autorisée par le juge commissaire.

 Ainsi selon le liquidateur, l’autorisation du juge commissaire ne pouvait être considérée comme une une condition d’existence de l’accord mais seulement comme une condition de sa validité.

Suivant le raisonnement du bailleur, la Cour d’Appel a, pour rejeter la requête afin d’autorisation et  infirmer l’ordonnance rendue, estimé que « la rétractation de la proposition étant intervenue avant que le juge-commissaire n’autorise l’administrateur judiciaire à accepter l’offre par voie de transaction, le juge-commissaire ne pouvait pas, le 8 novembre 2017, autoriser une transaction inexistante »

Pour la Cour d’Appel, si les parties étaient parvenues à s’entendre sur les modalités d’une résiliation amiable du bail et l’apurement des comptes, ni l’administrateur judiciaire, ni le débiteur n’avaient au regard des exigences impératives de l’article L 622-7 II du Code de Commerce, le pouvoir de transiger sans l’autorisation du juge-commissaire.

Par ces seuls motifs, la proposition du bailleur et son acceptation par le débiteur en redressement judiciaire, fut-elle donnée sous réserve de cette autorisation, ne pouvait avoir formé une transaction valable, dès lors que cette acceptation était intervenue avant que le juge commissaire autorise l’administrateur et la société débitrice à transiger.

En d’autres termes, tout accord conclu antérieurement à l’autorisation du juge-commissaire, n’a aucune valeur et laisse donc libres les parties de revenir sur leurs discussions.

En pratique, il convient donc, après rédaction de l’accord passé, de déposer une requête si possible conjointe devant le juge commissaire afin de voir la partie en redressement judiciaire autorisée à signer le protocole. Et surtout, ne pas perdre de temps entre la finalisation de la négociation et le dépôt de la requête

 N'hésitez pas à prendre contact 

Delphine BERTHELOT-EIFFEL 

Avocat Paris - baux commerciaux - procédure collective https://www.avocat-berthelot-eiffel.fr