"résidence principale" : la non occupation permet la résiliation du bail
Cass civ 6 mai 2021 n°20-10.899
Les lois du 1er septembre 1948, du 22 juin 1982 puis du 6 juillet 1989 réglementent les dispositions applicables aux logements loués à titre de résidence principale.
Ces lois sont protectrices du locataire notamment en ce qu'elles limitent les possibilités de congé à l'initiative du bailleur et reconnaissent au locataire un droit de préemption en cas de congé pour vendre.
Il est donc tentant pour un bailleur de solliciter la résiliation du bail en cas de non occupation des lieux comme résidence principale.
La loi du 6 juillet 1989 impose au locataire d'occuper les lieux loués comme résidence principale.
Dans le cas d'espèce, une caisse de retraite avait loué un logement en 1986, aux termes d'un bail soumis à la loi du 22 juin 1982 alors applicable, aujourd'hui remplacée par la loi du 6 juillet 1989.
Ayant obtenu la preuve que cet appartement n'était plus occupé à titre de résidence principale par sa locataire, le bailleur l'avait assignée en résiliation du bail et obtenu satisfaction devant les juges du fond.
Estimant que le bail ne l'obligeait pas à habiter effectivement dans le logement pour une durée minimale, la locataire s'est pourvu devant la Cour de Cassation.
Sans succès.
En effet, la Cour relève en préambule de son raisonnement que "la loi u 22 juin 1982 et la loi du 6 juillet 1989 qui lui a succédé, imposent au preneur d'occuper les lieux donnés à bail à titre d'habitation principale"
Ainsi, pour la Cour de Cassation, il importe peu que ni ces lois, ni le bail n'obligeaient le bailleur à une durée d'occupation particulière, dès lors, qu'étant étant soumis aux dispositions de la loi du 22 juin 1982, remplacée par la loi du 6 juillet 1989 dont les dispositions ne s'appliquent qu'aux logements loués à titre de résidence principale, le bail obligeait nécessairement le locataire à affecter les lieux loués à son habitation principale, ce qui suppose, pour la Cour de Cassation, "une occupation, sinon permanente, du moins effective et continue".
Ce faisant la Cour de Cassation n'a fait que confirmer un raisonnement déjà suivi par elle à l'arrêt du 14 janvier 2016 n°14-23.621 par lequel elle avait jugé que l'utilisation d'un logement comme simple pied-à-terre ne satisfaisait pas à la condition d'occupation effective du logement qu'impose la signature d'un bail d'habitation destiné à sa résidence principale.
L'appréciation de la gravité de l'infraction
On le sait et la Cour de Cassation le rappelle, la résiliation d'un bail d'habitation et, en particulier, la résiliation d'un bail portant sur l'habitation principale, suppose que la faute du bailleur soit suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du bail.
En l'espèce, la non occupation du logement durait depuis 6 ans.
En effet, le constat d'huissier établi en 2014, à la demande de la bailleresse, avait permis de démontrer "que l'appartement présentait l'aspect d'un débarras et non d'un lieu d'habitation, qu'il était impossible d'y circuler en raison de son encombrement, que la salle de bains était entièrement inaccessible, que les courriers les plus récents trouvés sur place remontaient à l'année 2008, que ces constatations étaient corroborées par une consommation d'eau insignifiante et par le témoignage de la gardienne".
La Cour de Cassation a donc jugé que la Cour d'appel avait pu souverainement en déduire que la locataire n'occupait plus les lieux à titre de résidence principale depuis des années et que cette infraction était suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
Dans l'affaire ayant abouti à l'arrêt du 14 janvier 2016, le locataire n'utilisait l'appartement qui lui avait été loué à Paris que comme pied-à-terre et avait donc permis à un neveu de s'y installer. Il n'y avait pas de sous-location avérée, mais un détournement de la destination du bail par le locataire, qui, en pratique, avait sa résidence principale à la Réunion.
La Cour de Cassation avait donc estimé que ce détournement de la destination du bail justifiait la résiliation du bail.
Delphine Berthelot-Eiffel
Avocat