Etre copropriétaire d’un fonds de commerce ne rend pas cotitulaire du bail commercial
Arrêt de la Cour de Cassation du 17 septembre 2020 numéro 19-18.435
Il est courant d’admettre que la valeur d’un fonds de commerce dépend essentiellement de la qualité de son emplacement et donc du bail commercial. Le bail commercial apparaît ainsi comme un élément essentiel du fonds de commerce.
Cependant il peut y avoir un fonds de commerce sans bail commercial et il est possible de vendre un bail sans le fonds.
Dans le cas de l’espèce, des époux mariés sous le régime de la communauté légale, exploitaient en commun un fonds de commerce, l’époux étant de surcroît bénéficiaire du régime du "conjoint collaborateur".
L’épouse, seule signataire du bail portant sur les locaux où était exploité ce fonds, avait assigné son bailleur afin de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux, avec l’appui de son mari, intervenu volontairement à la procédure.
Le bailleur ayant soulevé l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de l'époux non signature du bail, la question était donc de savoir, si, en tant que copropriétaire du fonds de commerce, l'époux était recevable à demander, avec son épouse, l'application du statut des baux commerciaux à un bail dont il n'était pas signataire.
Copropriété du fonds de commerce créé ou acquis pendant le mariage
Selon l’article 1401 du code civil, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.
En conséquence, le fonds créé ou acquis par un époux au cours du mariage est réputé appartenir aux deux époux.
Pas de cotitularité légale du bail commercial signé par un époux
Pour la Cour d'Appel, l’époux copropriéraire du fonds créé par son épouse par effet de l'article 1401 du Code Civil avait nécessairement un intérêt à agir.
La Cour avait donc jugé son intervention volontaire recevable
A tort selon la Cour de Cassation.
En effet, la Cour de Cassation rappelle que par application de l’article 329 du Code de Procédure Civile, celui qui intervient à l’appui d’une demande formée par un tiers en principal n'est recevable que pour autant qu’il aurait eu, lui-même, le droit d’agir directement.
Or, un époux a le droit de signer seul un bail commercial et la signature d’un bail commercial par un époux ne rend pas son conjoint cotitulaire du bail.
La cotitularité qui existe pour les baux d'habitation par application de l'article 1751 du Code Civil n'existe pas pour les baux professionnels ou commerciaux.
En conséquence, selon la Cour de Cassation, seul le signataire du bail où est exploité un fonds de commerce est fondé à revendiquer l’application du statut des baux commerciaux.
L’intervention volontaire du mari était donc irrecevable.
C’est d’ailleurs le même raisonnement qui a conduit la Cour de Cassation à juger qu’en absence de cotitularité du bail commercial signé par un seul époux, le bailleur d’un local où est exploité un fonds de commerce appartenant à deux époux, peut valablement délivrer congé qu’au seul signataire du bail commercial (arrêt du 28 mai 2008 numéro 07-12.277)
Delphine BERTHELOT-EIFFEL
Avocat - Paris